Le Coin des Desperados

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Nietzsche : L’Homme qui pense par delà le Bien et le Mal

Divagations autour de Fight Club, Nietzsche et l’Ayahuasca

Quel lien peut-il exister entre un film des années 90, un philosophe allemand du XXe siècle et une potion amazonienne utilisée depuis des millénaires ?

Fight Club, Nietzsche et l’Ayahuasca ont changé ma vie, en devenant des piliers majeurs de ma philosophie. J’ai envie de vous révéler les surprenantes connexions qui existent entre ces trois éléments perturbateurs…

On poursuit cette trilogie d’articles avec Nietzsche, génie et poète dont la philosophie est un jaillissement fulgurant d’intelligence et d’intuition à la profondeur abyssale.

L’œuvre de ce bandit de la philosophie a irréversiblement marqué le monde des libres-penseurs. Tous les plus grands artistes ne peuvent s’empêcher de faire référence à lui, et aujourd’hui encore, il fait figure du bad boy éternel de la philo, celui qui va à contre-courant des idées les plus établies et surtout… de la morale unanimement approuvée.

C’est parti pour l’analyse des plus célèbres punchlines de Zarathoustra.

Ou comment Nietzsche enseigne la liberté à ses lecteurs à travers l’odyssée d’un outsider en mode antéchrist venu apporter la bonne parole aux moutons…

Cet article se présente en 3 parties :

Nietzsche, Le Desperado le plus redouté d’Allemagne

Esclave versus Aristocrate

PLUTÔT ÊTRE UN FOU POUR SON PROPRE COMPTE QU’UN SAGE DANS L’OPINION DES AUTRES.

Si la solitude et l’isolement volontaires ont jamais eu de fervent défenseur, c’est bien Nietzsche, à tel point qu’il semble avoir des comptes personnels à régler avec toute forme de vie sociale.

Inutile de s’étendre sur sa biographie, ce n’est pas le propos. Le fait est que sa philosophie, et principalement celle relative à la morale, est ce qu’on pourrait qualifier de fiévreusement individualiste.

Selon Nietzsche, il y a deux types de personnes : les aristocrates (forts) et les esclaves (faibles). 

Les esclaves établissent leur morale (et donc leurs notions de Bien et de Mal) par rapport à l’action des aristocrates qui les inhibe. Il s’agit donc d’une réaction. Vivant en groupe, les esclaves apparaissent tels des vers qui rampent et se montent la tête entre eux, en vertu de ce fameux esprit grégaire, haïssant désespérément les forts.

En d’autres termes, ils ne sont pas à l’origine de ce qu’ils pensent ou ressentent, et leur morale vengeresse n’est pas basée sur des lois absolues, puisqu'elle naît de la jalousie et du ressentiment. Si les aristocrates sont mauvais, alors les esclaves sont bons, ça ne va pas plus loin.

On note ici une forte autocomplaisance dans la faiblesse, la victimisation et le malheur fatal, renforcée par la morale brandie pour excuser et justifier la lâcheté, la transformant en quelque chose de noble et de joli alors qu’elle a comme source le ressentiment et la haine de soi.

Dans ces circonstances, on comprend que le Bien n’est pas vraiment le Bien, évidemment.

Les aristocrates sont très différents. Êtres d’action, synonyme d’un grand OUI courageux accordé à la nature et au corps, les forts se prennent eux-mêmes comme unique critère. Ils agissent à leur guise, se contentant d’être ce qu’ils sont, sans comparaison avec le reste du troupeau, et sans haine pour personne.

S’ils provoquent de la souffrance, il ne s’agit en aucune manière de cruauté - les autres ayant très peu de place dans l’équation (aucune en vérité) - mais juste de dommages collatéraux. Ils ne font que suivre leur nature de loup ou d’aigle solitaire, qui chassent quand ils ont faim, sans se soucier de la proie sur laquelle ils jettent leur dévolu.

Pour tout dire, les forts se passent même de morale, et le terme de vengeance est un concept qui leur est étranger.

L’aristocrate est un être absolu. Et donc, amoral (au-delà de la morale).

Partir loin du monde

VEUX-TU, MON FRÈRE, ALLER DANS L’ISOLEMENT ? VEUX-TU CHERCHER LE CHEMIN QUI MÈNE À TOI-MÊME ? HÉSITE ENCORE UN PEU ET ÉCOUTE-MOI. “CELUI QUI CHERCHE SE PERD FACILEMENT LUI-MÊME. TOUT ISOLEMENT EST UNE FAUTE” : AINSI PARLE LE TROUPEAU. ET LONGTEMPS TU AS FAIT PARTIE DU TROUPEAU.

Voilà qui confirme encore un peu plus cette idée. Marrant de constater que toutes les philosophies de ce monde se rejoignent dès lors qu’il est question de connaissance de soi.

Pour ceux qui seraient passés à côté, j’ai un scoop : l’isolement est essentiel à toute recherche de soi.

Ce n’est que loin du monde, et dans un sens, aussi loin de soi-même, loin de son environnement de base et de sa sécurité, qu’un Homme peut caresser l’espoir d’apprendre à savoir qui il est. Pourquoi ? Parce que tant qu’on n’a pas fait un pas au-delà du système, c’est lui qui pense à notre place, via le conditionnement. Impossible d'émettre une idée véritablement personnelle au sein du brouhaha social. Pire encore, la volonté de s’en extraire est vite jugée comme bizarrerie, non conformité, folie.

Pour preuve qu’elle est d’autant plus nécessaire.

Mais le troupeau qui a abandonné les contrées où il était dur de vivre : car on a besoin de chaleur, s’inquiète quand un de ses membres commencent à montrer les signes d’une volonté propre. La solitude, le repli, voire l’exclusion choisie sont considérés comme marque d’un esprit égoïste pour commencer, puis malsain, puis détestable.

Tu ne veux pas entrer dans la danse ? Nous ne sommes donc pas assez bien pour toi ? Pour qui te prends-tu, à vouloir essayer de penser différemment ?

Comme le dit Nietzsche :

Qui a d’autres sentiments va de son plein gré dans la maison des fous.

Remettre en cause toutes ses valeurs

VOYEZ LES BONS ET LES JUSTES ! QUI HAÏSSENT-ILS LE PLUS ? CELUI QUI BRISE LEURS TABLES DES VALEURS, LE DESTRUCTEUR, LE CRIMINEL : MAIS C’EST CELUI-LÀ LE CRÉATEUR.

S’exclure du monde provoque la remise en cause des valeurs, qui possèdent un caractère de devoir presque religieux même dans le monde profane.

Parce que le recul de l’isolement offre un nouveau prisme à travers lequel décoder le monde.

Et que même en étant animé de la plus farouche bienveillance, la morale en vient vite à apparaître comme celle décrite un peu plus haut : ressentiment, complaisance, victimisation, et haine envers ceux qui tentent de se libérer pour penser par eux-mêmes.

Voilà pourquoi le troupeau (voici les phtisiques de l’âme : à peine sont-ils nés qu’ils commencent déjà à mourir, et ils aspirent aux doctrines de la fatigue et du renoncement) craint celui qui s’écarte. Il sait instinctivement qu’il y a un risque qu’il se transforme en loup solitaire, et que sa seule arme contre lui sera de tenter de le faire culpabiliser, et de mettre en garde les autres contre son égoïsme.

Mais qui est le plus enviable ? Et qui est le plus libre ?

Considérant que toute création implique liberté, ou du moins, volonté propre, seul celui qui ose détruire les vieilles valeurs paralysantes et enfanter ses propres lois peut espérer engendrer un nouveau monde, être à l’origine d’une œuvre qui ne porte pas le sceau de l’esprit apeuré, soumis, morbide et finalement nihiliste, du groupe.

Boire l’amère liberté

CELUI QUI PLANE SUR LES HAUTES MONTAGNES SE RIT DE TOUTES LES TRAGÉDIES DE LA SCÈNE ET DE LA VIE. COURAGEUX, INSOUCIEUX, MOQUEUR, VIOLENT : AINSI NOUS VEUT LA SAGESSE. ELLE EST FEMME ET NE PEUT AIMER QU’UN GUERRIER.

Ici, on aborde l’aspect de la philosophie de Nietzsche qui rebute énormément de personnes.

Comme évoqué dans l’article sur l’anti-héros, pas de place pour la compassion, cette forme de complaisance qui ne rend pas service à l’Homme, le traitant comme une victime au lieu d’un guerrier.

Inévitablement, le solitaire qui se cherche et finit - au prix d’une lutte acharnée contre lui-même, d’une ascèse rude mêlant épreuves initiatiques et constante réaffirmation de la volonté - par devenir son propre maître (c’est-à-dire un être pleinement responsable, sans Dieu et sans disciples, que rien ne peut plus asservir, puisqu’on commande à celui qui ne sait pas s’obéir à lui-même) ne peut plus éprouver de peine ou d’attendrissement pour les basses et stupides petites affaires humaines (l’ayahuasca a le même effet), bien souvent empreintes de mesquinerie.

Nietzsche revient souvent sur ça : le fait que les Hommes donnent de la beauté et de la grandeur à leurs idées ou sentiments alors qu’il s’agit juste des manifestations de leur petit ego, par définition incapable de véritable altruisme ou d’absolu.

Ils troublent leurs eaux pour les faire paraître profondes…

L’Homme libre est donc bel et bien cet imbuvable desperado des plaines désertiques qui conchie l’humanité en se foutant ouvertement de sa gueule. Mais pas seulement.

S’il est un Guerrier, et si ce n’est pas contre les autres qu’il mène sa guerre, devinez qui est son seul ennemi ? On va y revenir.


Regarder sa noirceur en face

PLUS IL VEUT S'ÉLEVER VERS LES HAUTEURS ET LA CLARTÉ, PLUS PROFONDÉMENT AUSSI SES RACINES S’ENFONCENT DANS LA TERRE, DANS LES TÉNÈBRES ET L'ABÎME, DANS LE MAL.

Cette idée peut sembler assez dérangeante, mais si vous avez lu l'article sur Fight Club, ça n’aura rien de neuf pour vous. D’ailleurs, tout le monde répète à loisir cette fameuse citation qu’on trouve dans Par-delà Bien et Mal :

Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même. Et si tu regardes longtemps un abîme, l’abîme regarde aussi en toi.

Bref, apparemment, tout le monde maîtrise le concept, et l’adore. Il est pourtant loin d’être évident, et plusieurs écoles de pensée s’affrontent pour décrypter ces quelques mots.

Mon interprétation à moi s’inscrit dans le cadre de la “psychologie des profondeurs”, qui est celle qui me semble la plus adaptée pour analyser ce philosophe.

Pour faire simple : prenons garde à ne pas en venir à haïr la vie (volonté de puissance et créativité) à force de frayer avec les zombies.

Leur nihilisme ne doit pas nous atteindre, et le but final n’est pas de foutre le feu à toutes les valeurs pour se venger de leur connerie mais bel et bien d’en créer de nouvelles, célébrant véritablement la vie (Yo Dionysos !). Et en ce qui concerne l’abîme, il s’agit selon moi d’un face à face avec soi-même que bien peu sont prêts à accepter.

Qu’il s’agisse du vide transcendantal ou de la simple révélation de notre nature, le résultat est le même : ça fait peur, et il y a un risque de ne pas s’en remettre.

Mais qui d’entre nous a jamais vraiment regardé en soi, aussi loin, aussi longtemps ?

L’idée rejoint celle qui est chère à Chuck Palahniuk : seul celui qui a connu le fond du gouffre peut espérer être touché par la lumière. Cependant, le but n’est pas de frapper le sol pour remonter, mais d'accepter de cohabiter avec ses démons, à jamais.

Le sommet et l’abîme sont maintenant confondus…

Ces mots terribles disent tout ce qu’il y a à dire.

Non, la vérité et la liberté ne sont pas pour tout le monde. Il s’agit d’une exception, et seul celui disposé au plus grand sacrifice peut espérer l’atteindre.

Parce qu’un Homme, quand il grandit, le fait dans les deux sens : vers le sol, et vers le ciel, mais inutile d'espérer accomplir l’un sans l’autre, et ce ne serait d’ailleurs pas souhaitable.

Se prendre des grosses claques dans la gueule

IL FAUT PORTER EN SOI UN CHAOS POUR POUVOIR METTRE AU MONDE UNE ÉTOILE DANSANTE.

Aaah, encore une phrase adorée par la populace ! Pour une fois que ce vieil enfoiré de Nietzsche se montre romantique !

Comme dans Fight Club, on remarque que le chaos est encore une fois présent. Il l’était aussi chez l’anti-héros (comme c’est bizarre !), mais je me dois de répéter le message : ce n’est pas le lisse et le feutré qui sont générateurs de changement. Et en toute honnêteté, ce sont même bien souvent les claques magistrales qu’on s’est prises en pleine gueule qui ont initié en nous les modifications les plus spectaculaires.

Qu’il s’agisse d’art, de relation amoureuse, de choses affreuses comme le deuil, ou plus simplement d’un voyage, les événements qui laissent les ornières les plus profondes et catalysent notre évolution ne sont pas des caresses.

Tout comme le Big Bang a engendré le monde, la Terre, et toutes les étoiles qui dansent autour, si nous aussi nous voulons devenir créateurs, alors nous devons accepter la destruction, le choc, le chaos pour en faire nos forces vives.

En d’autres termes, le chaos, ennemi juré de l’ordre, symbolise le jaillissement de la passion, thème cher à Nietzsche, en opposition à l’encroûtement de la raison pontifiante.

Il suggère donc de s’abandonner à nos instincts pour laisser émerger cette partie de nous bien plus sage que le dogme visant à la réguler.

Parce que rien de neuf ne peut naître sur d’anciennes terres polluées. Rien de beau émerger entre les racines d’un monde pourri. Se confronter au pire en soi, le regarder de son œil lucide, et choisir de s’en servir pour enfanter un nouvel ordre est une leçon très forte, bien loin de la victimisation.

Bien plus efficiente. Et bien plus belle.

Se confronter à soi-même

MAIS LE PLUS DANGEREUX ENNEMI QUE TU PUISSES RENCONTRER SERA TOUJOURS TOI-MÊME (...) TU SERAS HÉRÉTIQUE ENVERS TOI-MÊME, SORCIER ET DEVIN, FOU ET INCRÉDULE, IMPIE ET MÉCHANT. IL FAUT QUE TU VEUILLES TE BRÛLER DANS TA PROPRE FLAMME : COMMENT VOUDRAIS-TU TE RENOUVELER SANS T’ÊTRE D’ABORD RÉDUIT EN CENDRES ! 

On appuie encore un peu plus le point précédent.

Il est logique que l’Homme fort n’ait plus d’autre ennemi que lui-même. Mais cette confrontation ultime revêt chez ce philosophe tous les aspects de la grandeur. Ce n’est pas quelque chose qu’on doit redouter ou fuir, bien au contraire. Attiser les flammes de ce glorieux combat semble même tout indiqué.

Connaître la peur, et la contraindre. Regarder l’abîme avec fierté. Égorger sa propre raison puisqu’elle est née du monde, et qu’il faut renoncer à lui.

Voilà où se situe le véritable cœur, et le véritable courage.

Ici revient le concept d’autodestruction, présentant une fois de plus quelque chose d’essentiellement constructif. Conquérir le droit de devenir créateur et de trouver ses propres valeurs représente une bataille terrible et féroce, à la hauteur de l’Homme libre en devenir.

Voyez cette citation magnifique :

Mais tu veux suivre la voie de ton affliction qui est la voie qui mène à toi-même. Montre-moi donc que tu en as le droit et la force ! Es-tu une force nouvelle et un droit nouveau ? Un premier mouvement ? Une roue qui roule sur elle-même ? Peux-tu forcer les étoiles à tourner autour de toi ?

On note clairement qu’il ne suffit pas de se prétendre libre pour l’être, et que les basses manœuvres de l’ego sont forcées de s'éclipser face à une telle requête. L’Homme libre doit faire ses preuves, et avant tout envers lui-même. Seulement envers lui-même, d’ailleurs.

Et il existe une différence fondamentale entre celui qui est libre et celui qui ne fait que le prétendre.

Devenir sa seule et unique référence

TU T’APPELLES LIBRE ? JE VEUX QUE TU ME DISES TA PENSÉE MAÎTRESSE, ET NON PAS QUE TU T’ES ÉCHAPPÉ D’UN JOUG.

Cette citation est selon moi l’une des plus fortes de Nietzsche. Je vais certainement fâcher du monde, mais c’est trop essentiel pour que je passe à côté.

A notre époque, il est fréquent que les gens se définissent par ce qui les accable plutôt que par ce qui les anime. Contre ceci, anti cela… OK les mecs, mais bordel, c’est quoi qui vous fait bander ? Pour quoi avez-vous envie de lutter ? Pour quelle raison vous vous levez le matin ?

De même qu’il existe une différence majeure entre esclave et aristocrate, il y a un immense fossé entre libération et liberté. La vraie liberté n’est pas la libération. Tout comme le faible se définit lui-même par ce qui l'oppresse, au point de s’en servir comme base pour bâtir sa morale tronquée et égocentrique (ce qui me fait souffrir est mal, ce qui me laisse tranquille est bien), l’Homme libre s'identifie à sa “pensée maîtresse”, ce qu’il aime, ce qui le fait vibrer, ce pour quoi il concentre tous ses efforts et toute sa volonté.

Par cette injonction, Nietzsche nous contraint à regarder profondément en nous, pour exhumer ce qui fait de nous quelqu’un d’unique.

Cette requête propose aussi son idée de l’absolu : se définir par soi-même uniquement, sans considération pour les choses annexes qui nous entravent. Trouver ses propres valeurs, sans lien avec l’action des autres.

Allez, une autre phrase que je trouve sublime :

Mais je vis de ma propre lumière, j’absorbe en moi-même les flammes qui jaillissent de moi…

Puis devenir enfin son propre maître !

L’ESPRIT VEUT MAINTENANT SA PROPRE VOLONTÉ, CELUI QUI A PERDU LE MONDE VEUT GAGNER SON PROPRE MONDE.

Dans le sable jaune brûlé par le soleil, il lui arrive de regarder avec envie vers les îles aux sources abondantes où, sous les sombres feuillages, la vie se repose. Mais sa soif ne le convainc pas de devenir pareil à ces satisfaits ; car où il y a des oasis il y a aussi des idoles. Affamée, violente, solitaire, sans Dieu : ainsi se veut la volonté du lion. Libre du bonheur des esclaves, délivrée des dieux et des adorations, sans épouvante et épouvantable, grande et solitaire : telle est la volonté du véridique. C’est dans le désert qu’ont toujours vécu les véridiques, les esprits libres, maîtres du désert ; mais dans les villes habitent les sages illustres et bien nourris, les bêtes de trait.

Après maintes douleurs et maintes métamorphoses, il est temps de devenir créateur, et l’on finit par ne plus vivre que ce que l’on a en soi.

C’est une existence bien solitaire, sorte de grand OUI au tragique qui intègre la souffrance comme inévitable, mais les réalisations qu’elle promet surpassent de loin celles qu’on aurait connues au sein du troupeau. Gagner son propre monde, n’est-ce pas le rêve de tout artiste ?

Volant de mes propres ailes dans mon propre ciel…

Je ne prétendrais pas que ce type de vie puisse convenir à chacun, car il est terrible de demeurer seul avec le juge et le vengeur de sa propre loi, mais quand bien même on ne souhaiterait pas aller jusque-là, la philosophie de Nietzsche aurait au moins le mérite de nous faire entrevoir un bout de l’ombre de cette amère liberté.

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