Le Coin des Desperados

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Carnet d’ayahuasca #8 : Huitième Cérémonie

Intention : Harmonise mes circuits de conscience

J’ai fait une pause de deux jours sans prendre d’ayahuasca, où j’ai fait que dormir. J’étais en chute de tension, je tenais à peine debout. Voilà à quoi a finalement abouti l’état de faiblesse généralisée qui m’avait sournoisement envahie. Diarrhée affreuse. C’est peut-être le moyen qu’a trouvé mon corps pour échapper aux cérémonies.

Cette pause m’a fait du bien, j’en avais besoin. Faire des sessions une nuit sur deux, c’est franchement éprouvant.

Le bide toujours en vrac, c’était pas évident de se dire qu’on allait remettre ça, d’autant plus que ça se passait à Urubamba, dans la maloca d’un hôtel à gringos, et qu’il allait falloir se taper la route jusque-là. Mais on y a été en moto avec Wish, et le chemin de traverse qu’on a pris en sortant de Taray jusqu’à Calca valait vraiment le détour.

Je planais littéralement. J’adore faire de la moto ! La beauté du paysage était à couper le souffle. Je me souviens en particulier d’un moment où on avait le fleuve d’un côté et les montagnes de l’autre, avec une moto et un camion devant. Il s’est passé un truc très particulier. Je regardais la cime des montagnes, en imaginant cette scène dans Borderline où Wish force Travis à pousser son cri de guerrier. Cette lumière qu’il y avait alors que le soleil était en train de se coucher. Ce sentiment…

D’ailleurs en arrivant en ville j’étais toujours aussi ravie, bien que je commençais à être congelée. J’étais baignée d’un doux sentiment envers tout, et surtout envers ceux qui avaient peuplé mon passé.

Mon intention du soir est née de ma lecture présente : Les huit circuits de conscience, que je trouve fabuleux. Il me semblait donc logique que ce soit présent dans cette cérémonie.

J’avais déjà très mal au ventre, il était tout gonflé avec une diarrhée à portée de slip, mais les premiers temps de la cérémonie je suis tout de même parvenue à me connecter à quelque chose de grandiose.

Il se trouve que Jon, le guide qui accompagnait les deux gringos présents, jouait de la flûte et chantonnait derrière Wish, et que j'aimais beaucoup ça. Le mariage de leurs voix, accompagnées de cette étrange flûte à deux sons faisait vibrer la plante d’une façon inédite, très spectaculaire. Mes visions se teintaient d’une sorte de brillance fourmillante, et elles étaient d’un type élevé, celui que j’associe désormais au monde d’en-haut. Cette impression d’éternité, de sagesse, de plénitude…

J’étais fermement adossée au mur, la tête penchée en arrière, et je me suis laissée envoûter. C’est bizarre, il me semble avoir presque dormi, tout en étant perchée à bloc. C’était doux et fort à la fois, j’appréciais beaucoup ce que j’étais en train de vivre.

Le truc surprenant d’ailleurs, c’est que je suis parvenue à kiffer alors que je me suis vidée comme un chien toute la nuit, mais pas du bon côté, ce coup-ci. C’était un truc à s'arracher les cheveux. Après chaque retour des chiottes, je sentais mes intestins se tordre à nouveau, et je devais patienter en attendant que la nouvelle vague de transe se calme avant de pouvoir y retourner.

Y avait une drôle de dissociation entre mon corps souffrant et mon esprit posé, émerveillé. Une sorte de détachement. J’ignore ce que ça signifie.

Le gringo qui était là, et pour qui c’était la première fois, semblait beaucoup aimer sa rencontre avec la plante, et il le manifestait à grand coup de gémissements, d'étirements, de soufflements, et ce couillon s’est même mis à chanter, et bien en plus ! Sa nana était un peu plus effacée, mais avec de bonnes ondes quand même.

Bref, je sais pas si ça a fonctionné. La réharmonisation, je veux dire. Le lendemain matin je suis sortie de là dans un état lamentable, avec un mal de bide de tous les diables, une énergie qui frôlait les souterrains de l’âme, et une nausée grimpante. Les deux heures de moto pour rentrer à Taray ont été rudes, d’autant plus qu’il faisait sacrément froid au petit matin.

J’ai été voir un naturopathe à Pisac, parce que c’était tout simplement pas vivable. J’ai découvert un mec génial. Il a demandé à mon corps ce dont j’avais besoin, et surtout d’où venait le problème. Je devais coller le pouce et le majeur de la main droite, et faire pareil avec le pouce et tous les autres doigts de la main gauche, successivement, jusqu’à ce qu’il identifie le problème. Il tirait sur les doigts de ma main droite pour écarter le pouce du majeur, moi je devais les serrer le plus possible, et quand ceux-ci résistaient, ça voulait dire non. Quand ils s’ouvraient sans que je puisse lutter, ça voulait dire oui. 

Ils se sont ouverts pour le pouce et l’annulaire de la main gauche accolés. Ce qui signifie : émotionnel.

Mon souci était donc bel et bien de l'ordre des émotions. Ensuite pour les remèdes à prescrire, il a interrogé mon corps de la même manière, en disant à voix haute les plantes qu’il comptait me donner. Et, chose surprenante, ou pas finalement, je me suis foutue à chialer comme un veau quand il a positionné ses mains au-dessus de mon ventre, sans le toucher, comme l’avait fait l'ostéo. Je me suis vite calmée en lui disant que j’étais fatiguée, mais je sais pas pourquoi j’ai fait ça, étant donné qu’on savait très bien tous les deux que si ce truc était émotionnel, c’était carrément logique que je chiale à un moment donné.

Bref, son traitement est miraculeux. Ça va beaucoup mieux. 

J’ai repensé à ce que m'avait dit l'ostéo, du coup. Que l’important, c’était que ça sorte, peu importe si j'ignorais de quoi il s’agissait. On peut dire que l'ayahuasca a été le catalyseur. En lui demandant de réharmoniser mes circuits, je suppose qu’elle a choisi d’évacuer une bonne fois pour toutes ces sales trucs que je me coltinais depuis je ne sais combien de temps. Durant les cérémonies précédentes, cette douleur lancinante dans le ventre symbolisait déjà les prémices de ce mal à décharger. Et dans le chamanisme, le corps est si bien relié à l’esprit que la gerbe ou la chiasse font entièrement partie du processus. Pas pour rien que l’ayahuasca s’appelle aussi la purga, la purge.

Dans un sens, peut-être que ce serait plus facile qu’on évacue nos problèmes de cette façon chaque fois qu’ils apparaissent plutôt que de se les trainer indéfiniment, à moisir à l’intérieur.

J’espère sincèrement que c’est la bonne, cela dit. Hier j’ai posé mon intention au monde, pour vivre de mon écriture. Le huitième circuit de conscience est le circuit quantique, qui suppose un acte de création sur sa vie, en retournant vers le premier circuit terrestre, associé au bien être. 

Carnet d’ayahuasca #9

Carnet d’ayahuasca #1

© Zoë Hababou 2020 - Tous droits réservés


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