Lexique du Chamanisme
Qu’est-ce qu’un icaro ? Que signifie vraiment le mot chaman ? Qu’est-ce qu’une maloca, qu’est-ce qu’un esprit ? Et bon Dieu, qu’est-ce que c’est que cette histoire de réalité ordinaire et non-ordinaire ?
L’idée m’est venue qu’il serait temps de mettre à votre disposition une sorte de petit glossaire regroupant tous les termes fréquemment employés dans le monde du chamanisme en général, et dans celui de l’Ayahuasca et des Shipibo en particulier…
Classés par ordre alphabétique, les mots usuels sur lesquels vous ne cessez de tomber au fil de vos incursions mais dont la définition vous échappe toujours, sont ici expliqués d’une façon simple et limpide.
Vous allez enfin apprendre à maîtriser le vocabulaire propre au chamanisme.
Mais attention, ce ne sont pas des définitions de dictionnaire basiques trouvées sur Wikipédia. Riche de ma propre expérience dans le domaine, c’est en vertu de mes connaissances personnelles que ces termes sont présentés.
Le but est de mettre à votre portée des concepts qui peuvent de prime abord sembler obtus, alors qu’il n’en est rien quand on sait les mettre en lumière sans fioritures.
N’hésitez pas à venir fouiner sur cette page de temps à autre, elle sera régulièrement mise à jour en fonction de mes recherches et de vos questions.
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Les termes courants du Chamanisme expliqués aux Débutants
Abuelita : petit nom affectueux pour désigner l’Ayahuasca qui signifie Grand-Mère. Très utilisé par les indigènes.
Animal de pouvoir : esprit allié d’un Homme, pourvoyeur de force et de santé, qui peut aussi lui servir de guide. Le chaman peut aller le chercher pour un patient lors d’une cérémonie (dans ce cas, il choisira l’animal en fonction des besoins spécifiques de son patient. En effet, chaque animal possède des qualités propres, qui seront ou non nécessaires pour guérir le patient), ou alors l’Homme lui-même, durant un voyage chamanique. Mais bien souvent, l’animal de pouvoir se présente de lui-même.
Arcanas : la pose d’arcanas (protections ou défenses) consiste soit en une imposition des mains sur le front et le dessus de la tête du patient, soit en sopladas, soit en l’usage de la chacapa sur sa tête, son dos et ses épaules, accompagné d’icaros. Cette opération a lieu systématiquement à la fin d’une diète de plantes, afin de fermer le corps énergétique du diéteur et d’y fixer la vitalité des plantes, tout en empêchant les mauvaises entités d’y pénétrer à nouveau. Mais elle peut aussi être réalisée à la fin d’une cérémonie où un gros travail de nettoyage aura été effectué.
Ayahuasca : désigne la liane qui pousse en Amazonie, mais aussi la boisson psychotrope qu’on prépare avec cette liane mélangée aux feuilles de Chacruna. Les lianes d’Ayahuasca ont pour effet d’induire la transe.
Ayahuasquero, ayahuasquera : guérisseur qui consomme rituellement l’Ayahuasca pour acquérir de la connaissance et soigner sa communauté.
Bain de plantes : infusion à froid de plantes médicinales (maîtresses ou non), avec laquelle le patient doit se laver durant sa diète, dans le but de s’imprégner de l’essence de ces plantes. Ces bains remplissent plusieurs fonctions : nettoyer le corps énergétique, protéger de l’intrusion d’entités néfastes, rééquilibrer le psychisme…
Brujo, bruja, brujeria : sorcier, sorcière, sorcellerie. Chaman qui utilise ses connaissances et son pouvoir pour nuire à autrui, selon des visées propres ou parce qu’un client lui en a fait la demande.
Chacapa : hochet en feuilles séchées, souvent fait avec celles du palmier Yarina, dont le chaman se sert pour soigner son patient.
Chacruna : buisson à feuilles poussant en Amazonie, contenant la DMT, molécule naturelle qui provoque les visions. Ces feuilles sont mélangées aux lianes d’Ayahuasca pour produire la potion nommée Ayahuasca.
Chaman : à la fois sage, guérisseur, thérapeute, conseiller, voyant et parfois aussi sorcier, le chaman est un médiateur entre les Hommes et les esprits, capable de naviguer dans la réalité non-ordinaire et d’en ramener des informations qu’il partage avec sa communauté. Dans le monde de l’Ayahuasca, le chaman est un homme ou une femme qui a incorporé l’esprit ou l’essence des plantes qu’il a diétées lors de son initiation, et qui peut donc utiliser leur pouvoir pour guérir les autres et les guider.
Chupada : (succion, extraction) consiste en l’application de la bouche du guérisseur sur une partie du corps du patient, dont il va aspirer les mauvaises énergies, avant de les vomir, littéralement ou métaphoriquement (dans ce cas, le chaman vomit à sec, c’est-à-dire sans rien régurgiter, mais en faisant les bruits). Ce procédé peut prendre place durant une cérémonie ou non. Le chaman commence par avaler de la fumée de tabac afin de mobiliser son mariri et lui permettre de se matérialiser, depuis le pharynx jusqu’à l’extrémité de sa langue. Il le garde ainsi dans sa bouche et commence la chupada. Le picotement qu’il ressent lui indique que la substance commence à faire son travail. Comme un aimant ou une éponge, le mariri attire à lui et absorbe les énergies néfastes du malade. Ensuite, le chaman recrache le mariri contaminé dans lequel le mal est emprisonné, à grand renfort de raclements de gorge et vomissures à sec. L’avaler serait bien sûr éminemment dangereux, voire mortel. L’opération est souvent répétée plusieurs fois de suite, jusqu’à extraction complète du mal. Parfois, des éléments de protection tels qu’un morceau d’écorce de cannelle ou de camphre, ou de l’eau citronnée, sont pris en bouche avant toute l’opération, afin d’empêcher que le mariri intoxiqué soit avalé par erreur. Quand le mal se situe dans des zones du corps difficiles d’accès ou encore dans les parties intimes (ce qui est assez fréquent), le chaman use d’un petit tube pour aspirer. Enfin, l’opération se conclut par une soplada de Tabac afin de refermer le corps énergétique du patient.
Croiser sa diète, la casser ou la tordre : ne pas respecter les impératifs et les interdictions alimentaires et comportementales dictées par le chaman, ce qui engendre des interférences énergétiques dangereuses pouvant déboucher sur des désordres physiques, émotionnels, psychiques ou spirituels, parfois sans possibilité de guérison.
Curandero : guérisseur traditionnel d’Amérique du Sud (du verbe curar, soigner en espagnol).
Diète : processus de guérison ou d’apprentissage, allant de quelques jours à plusieurs mois. Isolement, diète alimentaire très stricte, interdits comportementaux, prise de plantes maîtresses sous différentes formes, cérémonies à répétition, la diète est un protocole long et fastidieux dans lequel on s’engage pour se soigner avec les plantes ou pour apprendre à soigner avec les plantes.
DMT : diméthyltryptamine. Substance psychotrope naturellement présente dans de nombreux organismes comme les plantes ou les êtres humains.
Esprit : entité du monde invisible. Il peut s’agir de plantes maîtresses, d’esprits de différentes sphères (comme celle de la medicina), ou encore d’extraterrestres ou d’animaux. Le voyage chamanique, c’est la capacité d’entrer en contact avec le monde des esprits, et des essences. Le mot “esprit” est souvent connoté négativement par les Occidentaux, comme l’esprit des revenants qui nous hantent. Ce n’est pas le cas dans le chamanisme. Bien sûr, il existe des entités néfastes, mais bien souvent, il y a plutôt une ambivalence. Par exemple, les plantes maîtresses ont deux mondes, un monde obscur et un monde lumineux. Les autres esprits aussi, comme le Chullachaki, très fameux chez les Shipibo.
Icaro : mélodie que chante le chaman durant les cérémonies d’Ayahuasca. Outil thérapeutique, ce chant sert à soigner et guider le patient. Ce sont les plantes maîtresses, durant les diètes, qui apprennent les icaros au chaman. Ces mélodies constituent leur essence, leur esprit, leur énergie. Selon le besoin du patient, le chaman va chanter l’icaro de la plante qui lui est nécessaire. Il y a des icaros pour ouvrir les visions, redresser l’ivresse, nettoyer, se connecter à différents mondes… Voici un icaro de Guillermo Arevalo “Kestenbetsa”, maestro de Jan Kounen.
Kené : motifs géométriques qu’on observe dans les visions d’Ayahuasca et dans l’art et l’artisanat shipibo, dont les femmes ont le secret. Le langage qui s’articule dans ces motifs serpentants est propre à chaque femme. On dit que c’est l’Anaconda originel Ronin qui le leur a transmis. Cependant, chaque plante possède aussi son propre motif, et les Shipibo sont capables de chanter l’icaro correspondant aux kené rien qu’en les regardant.
Kushma : tunique traditionnelle en coton, brodée de motifs kené, portée par le chaman durant les cérémonies.
Madre : autre nom de l’Ayahuasca qui signifie Mère.
Maestro : maître chaman, enseignant.
Maloca : hutte cérémonielle, souvent de forme circulaire, où se déroulent les cérémonies d’Ayahuasca.
Mapacho : tabac noir amazonien, qui se présente sous forme pure, à placer dans une pipe, ou alors dans des grosses cigarettes faites à la main.
Maraca : instrument de musique constitué d’une calebasse remplie de graines, emmanchée sur un bâton.
Mareacion, être mareado ou mareada : ivresse, transe de l’Ayahuasca. Être mareado signifie être sous l’emprise des effets de la Plante.
Mariri, ou Yachay : signifie “savoir” en quechua. Il s’agit d’une substance étrange, observable physiquement, sorte de phlegme ou de bave visqueuse que le chaman conserve en permanence dans son estomac, et qu’il peut régurgiter quand il le souhaite. Le mariri est le savoir-pouvoir matérialisé dans son corps qui va lui servir pour les opérations de chupada. Le chaman forme et entretient son mariri en avalant la fumée de Tabac, c’est-à-dire en la déglutissant jusqu’au fond de son estomac, où se trouvent ses énergies de guérison. Le mariri est donc un agglomérat d’énergies curatrices accumulées au fil du temps, dont la nature est à la fois physiologique, énergétique et spirituelle. Lorsqu’il veut le régurgiter pour une opération rituelle, il lui faut à nouveau avaler de la fumée de tabac avec vigueur, puis la roter bruyamment. Le mariri peut aussi être transmis directement du maestro à son disciple.
Medicina : désigne l’Ayahuasca en elle-même, mais aussi le paradigme qui englobe le monde de l’Ayahuasca, les esprits qui lui sont associés, les diètes, les plantes… Tout cela s’appelle le Monde de la Medicina ou la Sphère de la Medicina.
Monde d’en-bas, Monde du milieu, Monde d’en-haut : dans le chamanisme, il y a trois mondes, qui sont des plans spirituels. Celui d’en-bas, où vivent les esprits animaux, les plantes maîtresses et les anciens chamans. Celui du milieu, notre monde ordinaire, animé de luttes de pouvoir incessantes. Et celui d’en-haut, éthéré, lumineux, où se trouvent les esprits avancés, spécialisés, souvent disposés à apporter leur aide.
Perfume : parfum, eau florale artisanale préparée par le chaman ou achetée sur un marché (Agua Florida).
Plante Maîtresse, ou Plante Enseignante, Plante Sacrée : à la différence des simples plantes médicinales, dont l’esprit est considéré comme “faible”, les plantes maîtresses sont dotées d’un esprit fort et ont de ce fait la capacité de s’adresser aux diéteurs et aux chamans afin de les faire entrer dans leur monde, de leur apprendre leurs secrets, leur transmettre leur pouvoir et surtout leur enseigner à guérir, au travers d’états modifiés de conscience tels que les rêves et la maeracion. C’est par le biais de la diète initiatique (et dans une moindre mesure, de la diète de guérison) que l’Homme entre en contact avec l’esprit-mère de ces plantes, dans une relation directe passant de “corps à corps”. En Amazonie, les seuls professeurs sont les plantes, c’est PAR elles et AVEC elles que toute médecine est rendue possible. L’essence de ces plantes est apparentée à une mélodie, le fameux icaro, véhicule sonore de leurs pouvoirs thérapeutiques, c’est donc par l’entremise de l’apprentissage d’icaros que le chaman forme son arsenal d’outils curatifs en réalisant de nombreuses diètes de plantes. Ces esprits alliés lui enseignent à guérir et il fait appel à eux lors des cérémonies d’Ayahuasca pour emboîter leurs vertus directement dans le corps énergétique des patients, en chantant leur essence... Voici l’inventaire des plantes maîtresses d’Amazonie.
Pouvoir : pouvoir des plantes, pouvoir du chaman, pouvoir personnel. Le pouvoir des plantes, c’est leur essence, leur esprit, que le chaman incorpore afin de guérir, notamment grâce aux icaros qu’elles lui apprennent durant sa diète. Le pouvoir du chaman est à double-tranchant : il peut s’en servir pour guérir (dans ce cas il est curandero) ou pour faire le mal (il est alors brujo). Les armes de défense et d’attaque sont les mêmes. Le pouvoir personnel d’un Homme réside tout entier dans sa volonté.
Rapé : tabac en poudre à priser.
Réalité ordinaire : état de conscience basique de l’être humain, réalité de tous les jours.
Réalité non-ordinaire : dimension du monde et de la conscience uniquement accessible via un état de conscience modifié, que ce soit par l’usage de psychotropes ou encore via le rêve, l’hypnose, la méditation, le son des tambours…
Selva : jungle.
Soplada : (soufflement) consiste à souffler du Tabac ou du parfum, soit sur le patient, soit sur une plante, soit sur un remède de plantes. Dans le cas de la soplada d’un remède, la fumée chargée de l’intention du guérisseur (des énergies qu’il convoque et veut transmettre) active et potentialise les vertus de la plante, en augmentant ses vibrations et en appelant son esprit. Avant une cérémonie d’Ayahuasca, le patient est systématiquement protégé de l’intrusion des mauvaises énergies et des entités néfastes par la fumée de mapacho soufflée sur différentes parties de son corps, celles de grande concentration énergétique : épaules, poitrine, haut du dos, sommet de la tête, appelée couronne. Sur cette zone, le chaman use de son poing comme d’un tube pour souffler de manière forte et précise, ou bien il souffle en positionnant sa bouche directement au niveau de la fontanelle, ses mains tenant la tête du patient. Cette technique permet de faire descendre dans le corps l’énergie qui stagne au niveau du crâne. Il souffle aussi sur le bout des doigts du patient qui tient ses mains jointes comme pour une prière, et devra ensuite ramener la fumée vers son visage pour s’en oindre. Ces endroits sont très sensibles et se chargent facilement d’énergie négative, il faut donc les protéger avant d'ouvrir l’espace rituel. Lors d’une cérémonie d’Ayahuasca, la soplada met en relation les corps énergétiques du chaman et de son patient, grâce au Tabac qui les connecte. En utilisant son énergie et celle de l’esprit du Tabac, mais aussi celle de ses maestros, des plantes qu’il a diétées ou encore de ses ancêtres, le chaman charge sa pipe ou son mapacho avec ses icaros. C’est de cette manière que la fumée possèdera des qualités qui vont directement agir sur le corps énergétique du patient. A la fin de la cérémonie, le Tabac sera soufflé sur les pieds et les jambes du patient afin de refermer son corps.
Transe : état de conscience modifié qui permet l’accès à la réalité non-ordinaire.
Tambo : cabane, le plus souvent avec une structure en bois, un toit en feuilles de palme et des “murs” en moustiquaire, posée directement sur le sol en terre battue. C’est dans ce refuge en pleine jungle que l’on s’isole durant une diète.
Visions : images mentales en 3D provoquées par l’ingestion d’Ayahuasca. C’est la DMT contenue dans les feuilles de chacruna qui en est la cause. Il en existe de toutes sortes : abstraites, fractales, kaléidoscopiques, ou au contraire plus réalistes, comme un rêve. On peut aussi observer des figures anthropomorphiques, animales ou extraterrestres, ou bien encore des formes qui s’apparentent à l’activité biomoléculaire. A noter que ces visions n’ont rien à voir avec la quête de vision des Indiens natifs. Voici une cérémonie d’ayahuasca virtuelle réalisée par Jan Kounen, pour mieux comprendre ce que sont les visions.
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