Carnet d’ayahuasca #11 : Onzième Cérémonie
J’avais l’impression de pleurer pas seulement pour moi, mais pour l’humanité entière, pour toute cette idiote de condition humaine. Tous ces combats qu’on devait sans cesse gagner, toutes ces luttes qu’on devait mener, ces déchirements, ces renaissances, ce cycle éternel d’évolution qui nous laissait pas un poil de sec. Cet affrontement sans trêve avec soi-même, et les autres…
Carnet de Route #11 : Trentième Jour
J’apprécie de plus en plus ce que je suis en train de vivre. J’adore cette liberté qui te fait pointer du doigt un lieu sur la carte et sauter dans un bus qui t’y amène en une journée. C’est un truc de fou, je dispose de ma vie comme je veux, tous mes caprices sont à portée de mains pour quelques pièces, je peux faire ce que je veux de moi-même !
Carnet d’ayahuasca #10 : Dixième Cérémonie
J’ai créé un serpent dans ma tête, en face de moi, pour parler avec la plante. Est-ce que c’est moi qui l’ai créé, ou est-ce que c’est elle ? Ça n'a pas vraiment d’importance, puisqu’en parlant avec lui, ou elle, je savais que je me parlais à moi-même, et qu’elle me parlait aussi, parce que c’était la même chose. Elle et moi, on était la même chose...
Carnet de Route #10 : Vingt-Septième Jour
J’ai adoré ces journées de marche sur le sol caillouteux, presque volcanique par endroit, avec le soleil qui me tapait dessus, et ce lac où le vent dessinait comme des vagues à la surface. J’avais parfois du mal à croire que j’étais bien à presque 4000 d'altitude, sur le plus haut lac navigable du monde, qui fait fantasmer tant de gens depuis leur télé. C’est fou, nan ?
Carnet d’ayahuasca #9 : Neuvième Cérémonie
Quand les icaros envoient du lourd, te dirigent et t’entraînent, la transe ressemble à une cavalcade fiévreuse, une chevauchée de l’univers, un vrai voyage. Mais quand la salle plonge dans le silence, la plante devient quelque chose de terriblement organique, qui circule sous ta peau et électrise ton cerveau, tout en te reliant aux esprits des autres participants d’une façon qu’on ne peut que qualifier de télépathique.
Carnet de Route #9 : Vingt-Troisième Jour
La route jusqu’ici a été fabuleuse. Des heures et des heures à sillonner des terres austères, froides et brumeuses, parsemées de lacs aux couleurs étranges, parfois animées de troupeaux de lamas, ponctuées de quelques bicoques en adobe, au milieu de nulle part, où jamais un français ne pourrait envisager de vivre…
Carnet d’ayahuasca #8 : Huitième Cérémonie
Dans le chamanisme, le corps est si bien relié à l’esprit que la gerbe ou la chiasse font entièrement partie du processus. Pas pour rien que l’ayahuasca s’appelle aussi la purga, la purge. Dans un sens, peut-être que ce serait plus facile qu’on évacue nos problèmes de cette façon chaque fois qu’ils apparaissent plutôt que de se les trainer indéfiniment, à moisir à l’intérieur.
Carnet de Route #8 : Vingtième Jour
Tout le monde était sur le cul que je sois là pour un an entier, et j’ai dû expliquer que j’avais fait pousser et vendu ma weed pendant trois années consécutives pour en arriver là. Parlant de weed, les jeunes en avaient, ce qui n’a fait que renforcer le délire, la bonne humeur et l’hilarité générale !
Carnet d’ayahuasca #7 : Septième Cérémonie
Quand on est dans cette phase où les visions cessent mais que la transe est encore présente, on se croirait dans une autre dimension. On se parle beaucoup avec Wish, et à vrai dire on dirait presque que c’est de la télépathie. Les choses qu’il dit résonnent en moi comme si je comprenais tout, comme si je savais déjà tout, alors qu’il me sort parfois des trucs super alambiqués.
Carnet de Route #7 : Dix-Septième Jour
Et si ça me plaît, à moi, d'être passionnée, avec tout ce que ça implique de bon et de mauvais, et speed dans mon caractère et mes paroles, et nerveuse dans ma façon de croire en ce que je dis et de contredire ce en quoi je crois pas ? Qu’ils aillent tous se faire foutre !
Carnet d’ayahuasca #6 : Sixième Cérémonie
Dans le chamanisme amazonien, on a coutume de dire que l’ayahuasca commence son vrai boulot avec toi quand le serpent qui la symbolise t’a avalé. Comme si elle devait tuer ton moi physique pour te faire renaître au niveau spirituel, de l’autre côté, dans une autre dimension.
Carnet de Route #6 : Seizième Jour
Je commence à comprendre la différence entre regarder un docu sur Arte et être vraiment là. Tu peux pas avoir de recul sur ton monde si t’en sors pas pour voir comment ça se passe ailleurs. L’infinité des modes de vie me laisse perplexe. Le nôtre n’a rien d’universel. Il existe d’autres réalités.
Carnet d’ayahuasca #5 : Cinquième Cérémonie
C’est fou, la façon dont l’ayahuasca s’adresse à toi. Comment tu peux comprendre des choses si difficiles, si dures à appréhender ordinairement, sans passer par les concepts, comme si son message imprégnait tes atomes par osmose, et que tu devenais apte à voir au travers de ses yeux.
Carnet de Route #5 : Quinzième Jour
Je me suis sentie happée. J’ai dit à la vieille : Cet endroit est magique. C’est tout ce que ma pauvre pratique de l’espagnol m’a permis de dire, et c’était aussi bien comme ça. Elle m’a répondu : Oui, beaucoup d’énergie circule ici.
Carnet d’ayahuasca #4 : Quatrième Cérémonie
Dans le chamanisme, il y a trois mondes, qui sont des plans spirituels. Celui d’en-bas, où vivent les esprits animaux, les plantes maîtresses et les anciens chamans. Celui du milieu, notre monde ordinaire, animé de luttes de pouvoir incessantes. Et celui d’en-haut, éthéré, lumineux, où se trouvent les esprits avancés, spécialisés, souvent disposés à apporter leur aide.
Carnet de Route #4 : Dixième Jour
Tout est trop extrême : la chaleur hallucinante du désert, la distance phénoménale qui sépare chaque ville, la longueur et la rectitude de cette saloperie de panaméricaine, et même, bordel, le poids de ce putain de sac que je me trimballe. Autant dire que tout ça combiné, ça complique pas mal le but que je me suis fixé.
Carnet d’ayahuasca #3 : Troisième Cérémonie
Quand je tournais la tête vers Wish, toujours les yeux fermés, mes visions se transformaient. Elles se teintaient de l’énergie qu’il dégageait dans ses icaros. Une sorte de brillance, un éclat.
Carnet de Route #3 : Sixième Jour
Quand Toby m’a demandé pourquoi j’étais partie, je lui ai dit que je voulais juste vivre. Il a répondu d’un air philosophe : vivre pour vivre. Ouais, vivre pour vivre, mec. Voilà.
Carnet d’ayahuasca #2 : Deuxième Cérémonie
Je me suis redressée, la tête levée vers le ciel, me gorgeant de l'énergie fantastique qui circulait en moi, et puis j’ai levé les bras en l’air en inspirant, et les ai étendus comme des ailes…
Carnet de Route #2 : Troisième Jour
Cette ville est pas mal dégueulasse, bien que je sois parfois émue par des trucs qui me toucheraient jamais chez moi : des mécanos en train de s’escrimer sur une caisse qu’avait selon moi peu de chance de rouler à nouveau un jour, un chien galeux, les montagnes entourant le centre urbain en mode favelas...